Les rituels de la femme cyclique

Nous les femmes, sommes cycliques, alors qu’on attend de nous que nous soyons constantes et linéaires. Le cycle menstruel est une manifestation permanente de notre pouls circulaire. Pour autant, nous ne nous l’approprions pas puisque nous continuons à ignorer sa puissance au-delà de la manifestation physique. De fait, nous sommes parfois si conditionnées que nous nous sentons incapables de guider nos propres filles, permettant ainsi que leur éducation retombe entre les mains d’amies tout aussi jeunes et peu expérimentées qu’elles. Il est possible aussi qu’en tant que mères, nous ayons bien peu de connaissances sur nos propres cycles et que nous soyons restées tellement traumatisées par nos premières expériences menstruelles vécues dans la solitude et sous la menace, que nous manquions de modèles féminins sur lesquels baser notre transmission.

Pour entrer en contact avec le pouls cyclique qui anime les femmes, les filles ont besoin d’un accompagnement aimant et proche. Dans toutes les civilisations des rituels de transition ont été utilisés pour marquer le fait qu’un individu laisse derrière lui une phase de sa vie et commençe une nouvelle étape de connaissance et perception. Ces rituels marquaient un changement de rang au sein de la communauté, comme par exemple la puberté, le mariage ou la consécration par un prêtre. Ces modifications comportaient également de nouvelles responsabilités et parfois certaines restrictions sociales.

Actuellement, nous avons perdu le concept de rituel. Surtout au moment de la puberté, que plus aucun rituel n’identifie. Subsistent seulement quelques idées autour de l’âge de la majorité, accompagné de certains droits et obligations sociales comme le droit de boire de l’alcool ou de voter. Mais nous ne possédons pas un événement spécifique pour marquer le passage de l’enfant à l’adulte, ce qui les fait osciller entre une étape et l’autre sans être au clair sur ce qu’on attend d’eux.

Le rituel de transition d’une jeune fille devrait signaler le commencement de sa vie de femme. L’acte tangible du premier saignement est un rituel naturel et ce n’est que récemment que nous avons commencé à l’ignorer en tant que tel. La vie de la jeune fille change, car elle cesse d’être linéaire et qu’elle adopte le comportement cyclique de la femme. Elle devra reconnaître, percevoir et accepter le changement en apprenant de ses propres expériences pour mûrir. Il ne s’agit pas d’un changement intellectuel, mais qui passe par le fait de sentir que l’on se transforme en jeune adulte, et pour ce faire la jeune fille aura besoin d’entrer en contact avec sa propre nature féminine.

Le premier saignement est en effet un éveil qui mérite l’accompagnement de femmes mûres qui savent ce que c’est que de vivre la vie au diapason du rythme parfait du cycle. En fait, nous aurions besoin de ritualiser la totalité de notre vie cyclique car ce n’est pas la même chose de saigner ou d’ovuler lorsque nous nous réveillons, marchons, cuisinons, faisons l’amour, étudions, travaillons ou réfléchissons. Il s’agit de moments internes totalement différents qui guident et organisent de façon subtile notre façon d’être au monde, avec une cadence et un rythme spécifiques. Peu importe que les autres ne le reconnaissent pas. C’est indispensable que nous ayons conscience et respections notre rythme en prenant en compte l’essence cyclique, changeante et circulaire de notre être féminin.

En tant que femmes, nous portons le rythme dans nos corps et les hommes peuvent le vivre à travers nous. Il ne s’agit ni plus ni moins que de la force vitale canalisée.

 Laura Gutman – Source : « Los rituales de la mujer cíclica »  ~Traduction Brigitte Rietzler // Temesira

 

Quelques ressources et idées pour guider vos ados lors de ce passage :

– le livre de Maïtié Trelaün : Stella et le Cercle des Femmes et sa page web  Naître Femme

– le livre Le Fil Rouge, manuel de tes premières lunes, écrit par DeAnna L’Am, traduit par Claire Jozan-Meisel et illustré par Marie Nanouk, que vous pouvez vous procurer à travers la page de Lunafemina.

– Participer à une « Tente Rose ». Sur le modèle des Tentes Rouges (d’après le livre d’Anita Diamant)- des groupes de paroles de femmes qui s’expriment autour de thèmes en lien avec le féminin (la maternité, les cycles, l’accouchement, le couple, la relation mère-fille etc.) dans une ambiance  intimiste et bienveillante-, des tentes roses voient désormais le jour (les premières ont eu lieu aux Journées des Doulas 2014)

– Regarder le documentaire Monthlies de Diana Fabianova

– Et pourquoi pas leur offrir un soin rebozo pour les accueillir dans la communauté des femmes et les honorer dans leur nouvelle vie cyclique ?

Le rebozo, un soin au féminin

Les Mexicaines l’arborent depuis des siècles et ont même donné son nom à une technique de relaxation profonde, de plus en plus pratiquée en France. Pour comprendre sa puissance, nous avons testé le « soin rebozo » et découvert un patrimoine féminin universel.

 Rebozo Echarpe Châle Soin Rebozo Rituel de passage féminin
Le rebozo est un châle léger, porté depuis l’époque préhispanique par les Mexicaines. En coton, il protège du soleil et peut servir de panier, y compris pour porter son bébé. Popularisé au début du siècle dernier par l’artiste nationale Frida Kahlo, son utilisation reste courante au Mexique, où il est une fierté culturelle, toutes catégories sociales confondues. A la puberté, chaque jeune fille se voit offrir son propre rebozo, symbole de féminité.

Un héritage traditionnel

Dans un pays où la figure maternelle est sacrée, l’étoffe fait l’objet d’un soin post-natal très apprécié, qui utilise l’écharpe pour ceindre les membres, lentement. Après l’accouchement, la femme est invitée à rester allongée avec son bébé pour reposer leurs corps et encourager le lien mère-enfant. Ses sœurs, tantes, amies ou voisines s’occupent d’eux et prennent en charge les tâches quotidiennes. Au bout de quarante jours, la maman reçoit le soin rebozo, qui permet de nettoyer les toxines de la grossesse et vient marquer cette nouvelle étape de sa vie. Au Mexique, Laurence Kerbarh et Virginie Derobe ont rencontré des accoucheuses traditionnelles et appris à leurs côtés les gestes de ce soin ancestral. De retour en France, elles l’ont adapté et ouvert à toutes les femmes : « Ce soin s’adresse à toutes celles qui sont en train de passer un cap dans leur vie, qui traversent une épreuve ou un changement.» Après une naissance mais aussi face au deuil, à une séparation, un mariage ou une réorientation professionnelle, le soin rebozo est l’occasion d’un recentrage personnel. Donné par deux femmes à une troisième durant deux heures et demie, il est pensé comme une célébration du corps féminin et s’adaptera à la jeune fille qui vient d’avoir ses règles comme à la femme qui entre dans sa ménopause. Une bulle hors du temps, composée de trois étapes majeures, vers une décontraction totale.

Trois femmes, trois temps forts

D’abord il y a le massage à quatre mains. L’odeur de l’huile tiède et la juste pression synchronisée des praticiennes sont une invitation au relâchement. Contrairement à un modelage simple, lorsque quatre mains vous parcourent le corps, le cerveau n’est plus capable de suivre leurs mouvements et lâche prise complètement. Puis vient le temps de la montée en chaleur dans un bain chaud ou un hammam aromatisé aux plantes. Au Mexique, la chaleur a des vertus théapeutiques. Dans les villages, la plupart des familles utilisent encore le temazcal, une petite hutte à sudation de forme utérine, adossée à la maison. Une tisane astringente composée de romarin, de piment, de cannelle et de miel est proposée tout au long du soin. L’objectif est de chauffer le corps de l’intérieur et de l’extérieur pour dilater les tissus et détendre l’esprit. La transpiration se poursuit, la receveuse allongée sous plusieurs couvertures confortables. Emmailloté délicatement, le corps est enveloppé des pieds à la tête, dans un demi-sommeil.
Enfin, c’est le resserage proprement dit : les deux femmes vont placer et nouer le rebozo, en sept points clés du corps : tête, épaules, taille, bassin, mollets et pieds. Disposée de chaque côté de leur cliente, chacune tient un bout du châle qu’elle va tendre progressivement. L’effet est remarquable sur les muscles et les tensions. « C’est elle qui nous dit quand la pression lui suffit », précise Laurence. Parce qu’elle contacte notre mémoire corporelle, celle de l’enfant, contenu, qui s’abandonne, l’expérience est d’une grande force émotionnelle.
Le but : sentir ses contours et réunifier son schéma corporel pour se retrouver soi. La richesse du soin rebozo vient de ce mélange entre méthode et savoir-être intuitif. Une connaissance transmise de femmes à femmes qui trouve ses équivalents partout dans le monde

Post-accouchement

Les femmes qui viennent d’accoucher ont toutes en commun ce besoin d’être très fermement serrées au niveau du bassin, comme pour « se refermer ». Certaines communautés africaines encouragent le port d’un pagne serré sur le bas-ventre, sans oublier la ceinture de grossesse qui n’a pas que des avantages esthétiques en post-partum. Le soin rebozo est conçu comme un passage : on clôt une situation pour s’ouvrir à une autre. « Nous appelons intention l’état d’esprit dans lequel la personne vient nous voir quand elle prend rendez-vous, explique Laurence. L’intention lui permet de poser ses attentes et à nous de l’accompagner au plus près de l’énergie dans laquelle elle se trouve. Cela peut être aussi de s’offrir une pause, tout simplement.» Proposé par environ cent quarante praticiennes certifiées à travers la France, il est enseigné, entre autres, à l’Ecole de formation rebozo et s’ouvre aux professions médicales qui y voient un véritable outil. En serrages doux ou en bercements, ces quelques centimètres carrés de fibres naturelles intéressent déjà les sages-femmes et les éducateurs spécialisés. S’il fait une arrivée discrète en France depuis quelques années, sa formule séduit et les séances s’offrent même en cadeaux entre filles, vers le partage d’une féminité heureuse.

Pour trouver des praticiennes près de chez vous, consultez l’annuaire : www.rebozoaufeminin.fr 

Source : BioInfo « Le rebozo, un soin au féminin » – Lucile de la Reberdiere (22 Avril 2014)

Eduquer avec lenteur, par Ibone Olza

Ibone Olza est psychiatre infanto-juvénile et périnatale, chercheuse et auteure. Elle est aussi mère de 3 enfants. Les enjeux autour de l’enfance, la nature ou notre santé lui tiennent particulièrement à cœur.

Co-fondatrice de l’association espagnole El Parto Es Nuestro qui œuvre pour le respect des droits des parturientes et « l’humanisation » des conditions d’accouchement, elle est également à l’origine du forum de soutien aux femmes ayant vécu une césarienne (Apoyocesáreas, le cousin de Césarine). Apoyocesáreas est une véritable grotte intime et chaleureuse au sein de laquelle des femmes, liées par une histoire similaire, osent mettre en mots les émotions qui découlent de leurs accouchements traumatiques : elles se dévoilent, se soutiennent, se réparent, trouvent les mots bienveillants, encourageants, vibrants, véritable baume au cœur et à l’âme, pour dépasser cet écueil, renaître à elles-mêmes et ainsi reconnecter à leur puissance féminine.

J’ai envie de partager aujourd’hui son éloge à la lenteur, si importante dans les moments-clés du tout début de la vie :

Entre 3 et 4 h du matin, à l’heure la plus sombre de la nuit, quand l’aube ne se laisse pas encore deviner, c’est à cette heure de la nuit qu’il y a le plus de naissances. C’est ce qu’a mis en évidence une étude qui analysa l’heure de naissance parmi plus d’un demi-million (601222 pour être exacte) d’accouchements spontanés au Royaume-Uni au début des années 70. L’heure à laquelle le plus grand nombre de bébés a vu le jour se situe entre 3 et 4h du matin, un horaire pendant lequel la femme est tranquille, protégée et dans un état émotionnel paisible et endormi selon les conclusions des auteurs de l’étude (1).

Évidemment, c’était en d’autres temps, avant que la hâte et la peur ne dominent les accouchements et ne s’emparent des salles de naissance. Actuellement, peu de bébés pourront bénéficier d’un accouchement spontané et respecté. De plus en plus, les bébés sont extraits de l’utérus avant l’heure. Sous de nombreux prétextes, les accouchements sont déclenchés et les césariennes programmées la plupart du temps sans aucune urgence médicale, simplement depuis le point de vue que « de toute façon le bébé est formé alors autant le sortir puisqu’il n’a plus rien à faire ici dedans ». On décide de la date d’accouchement en fonction d’agendas complètement étrangers aux besoins du bébé. Le nouveau-né arrive au monde avec ce message d’accueil : « il n’y a pas de temps à perdre ».

Lourde erreur, car l’accouchement, c’est le bébé qui le déclenche lorsqu’il est prêt à naître et ce qui évolue le plus pendant les derniers jours de grossesse, c’est justement son cerveau (et celui de sa maman qui se prépare pour l’expérience amoureuse la plus intense!). La maturité cérébrale et neurologique des nouveaux-nés à terme nés d’accouchements spontanés est supérieure à ceux qui sont extraits 2 ou 3 semaines avant terme…Cet exemple illustre à merveille comment la hâte et l’impatience se sont imposées dans nos vies, et ce avant même de naître, et à quel point il est difficile voire impossible de respecter les rythmes de notre nature tout au long de notre croissance. Gloria Lemay, sage-femme canadienne, l’explique très bien lorsqu’elle dit « Assister un accouchement, c’est comme cultiver des roses. Tu dois t’émerveiller devant celles qui viennent de s’ouvrir et fleurissent sous le premier baiser du soleil, mais jamais il ne te viendrait à l’esprit de tirer sur  les pétales des boutons fermés pour les forcer à fleurir uniquement lorsque que cela te convient ». Peut-être que cette image de destruction qui correspond à la tentative d’ouvrir en force un bouton de rose peut nous aider à comprendre pourquoi la hâte cause tant de préjudices, lors des accouchements, mais également au cours de tout le développement de nos petits.

Si la grossesse et l’accouchement sont gouvernés par le calendrier et l’horloge, les mois qui suivent la naissance sont habituellement plutôt dirigés par un autre instrument : la balance. Les grammes que le bébé gagne les premières semaines et les premiers mois servent à attribuer une note comme s’il s’agissait d’un examen : plus le bébé prend de poids et plus vite il le prend, mieux c’est. Injonction paradoxale dans un monde où l’obésité infantile est devenue depuis quelques temps un grave –et silencieux- problème de santé. Avec une montre et une balance en main, c’est facile de faire tomber à l’eau de nombreux allaitements les toutes premières semaines de vie. Et pendant ce temps, une légion de publicités ciblant les nouveaux parents vantent tous type de gadgets et produits pour le nouveau-né ou le bambin qui fait ses premiers pas. Vu de l’extérieur, on pourrait penser qu’il est impossible d’éduquer un enfant sans avoir à acheter et accumuler un nombre incalculable d’objets.

Je travaille là où les mères pleurent. Parfois, elles viennent avec leurs enfants, d’autres fois elles les portent dans leur ventre. Elles s’assoient en face de moi dans le cabinet de consultation de psychiatrie infantile, et commencent à me raconter tout ce qui les préoccupe, et souvent les larmes perlent toutes seules. Lorsqu’elles remarquent l’humidité qui déborde de leurs paupières et glissent sur leurs joues, beaucoup s’excusent, comme si pleurer était une entorse à la bonne éducation. Et souvent, les petits qui pendant ce temps jouaient avec le train, la pâte à modeler ou la maison de poupées que je mets à disposition dans le cabinet, s’approchent de leur maman pour la caresser à leur façon. Les mères sourient alors qu’elles essaient de dissimuler leurs larmes et les enfants retournent jouer tranquillement. La séquence passe souvent inaperçue pour les adultes présents dans le cabinet.

 Les mères et parfois aussi les pères pleurent parce qu’ils sentent qu’ils ne font pas les choses bien. Le problème, c’est que souvent, ils font trop d’efforts. Ils travaillent trop d’heures pour finalement arriver à la maison trop fatigués et ainsi, souvent, ils souhaitent que le temps vole. J’ai tellement envie que l’accouchement arrive, que tout ça passe vite, le plus tôt sera le mieux. Que les enfants grandissent, qu’ils entrent à la garderie ou au collège ou à la fac. Qu’ils soient déjà grands, qu’ils aillent aux toilettes seuls ou dorment d’une traite toute la nuit. Pour pouvoir se reposer de tant d’efforts. Je les écoute, en prenant le temps, tout en cherchant les mots pour leur expliquer l’importance de freiner, de ralentir, de s’arrêter. Des mots qui ne sont presque plus utilisés pour parler d’éducation et que nous devrions pourtant récupérer.

John Bowlby, psychiatre infantile qui a formulé avec brio la théorie de l’attachement l’avait déjà introduit de la façon suivante en 1951 : “Nous considérons essentiel pour la santé mentale, que le bébé et le petit enfant expérimentent une relation chaleureuse, intime et continue avec la mère (ou le substitut maternel permanent), dans laquelle tous deux trouvent satisfaction et plaisir.” Par « essentiel », il précisa qu’il s’agissait ni plus ni moins de la survie de l’espèce humaine.

Plaisir, faire plaisir. Satisfaction et jouissance mutuelles. Délice, débordement, jouissance. Délectation : procurer le plaisir des sens ou de l’esprit. Faire plaisir, plaire, amuser, jouir. Délice : plaisir sensuel ou spirituel. Faire plaisir : procurer de la joie ou du plaisir à quelqu’un. Trouver ou avoir du plaisir ou de la satisfaction à faire quelque chose. Avec plaisir, avec beaucoup de plaisir, c’est seulement ainsi que l’on peut éduquer en douceur.

Contempler, avec sérénité. Respirer profondément et faire confiance. Savoir que l’accouchement arrivera et comme le disait Koosterman en 1922 : « Une femme en bonne santé qui met au monde spontanément réalise un travail qui ne peut être amélioré. » Recevoir son bébé sur sa peau, et contempler comment il rampe de façon spontanée et avance vers le sein pour commencer à téter, mais avant ou après, il fait une pause pour regarder calmement sa maman les yeux dans les yeux. Éduquer en savourant, avec lenteur, à l’ancienne, comme quelqu’un qui prépare des confitures ou fait braiser des poivrons un après-midi de septembre. Se donner le temps sans qu’il soit écrit, pour capter l’odeur du lait maternel caillé qui reste imprégné sur ses petits vêtements ou sur les nôtres. Les premiers sourires et la douceur des menottes presque rondes. Allonger les heures comme si c’était des jours et les jours comme si c’était des semaines. Essayer d’imprimer sur nos rétines ce regard rond et si pur. Contempler nos enfants endormis au petit matin, sentir comment leur poitrine se soulève au rythme de la respiration. Être là et rester, avoir confiance. Écouter les histoires familiales, les raconter aux plus petits, récupérer la transmission orale de nos vies et celles de nos ancêtres. Leur parler de leurs arrières grands-parents, de notre enfance, de ce monde qui n’existe plus que dans notre mémoire.

Passer de longs après-midis sans rien faire à part flemmarder pendant que nos enfants courent ou jouent, inventent et explorent. Manger avec eux, petit-déjeuner avec eux, dormir avec eux, être présent. Des privilèges gratuits que pourtant très peu semblent s’autoriser à s’octroyer. Avec la hâte et le stress, l’éducation devient bel et bien une énorme course d’obstacles. Les garderies ne font pas leur pub en annonçant des activités empreintes de plaisir comme aller au parc, regarder des insectes ou aider un adulte à cuisiner. Au lieu de cela, on leur offre des cours d’anglais et des supposés programmes de stimulation cognitive qui soi-disant leur assurent un avenir triomphal. Stressés depuis leur plus jeune âge, la seule façon qu’ont certains petits d’être autorisés à ne rien faire de toute la matinée, est de tomber malades.

Et pourtant, l’éducation a peu en commun avec la production industrielle dans laquelle elle se trouve submergée. Bien au contraire, c’est une œuvre issue de l’artisanat le plus délicat. Tout doucement, les liens les plus solides et durables se construisent, ceux qui donnent comme fruit des adultes sûrs d’eux-mêmes et pourvus d’une énorme capacité d’aimer. En tant que mères et pères, nous devrions nous arrêter beaucoup plus souvent pour regarder autour de nous et nous demander avec honnêteté combien de ce que nous faisons au quotidien est réellement indispensable, en quoi cela contribue à notre bien-être intime, et qu’est-ce qui implique un stress inutile et maladif. A mesure que nous oserons nous détacher de la hâte et arrêterons de fuir, nous sentirons comment tout est en réalité beaucoup plus facile, plus simple, et infiniment plus beau que ce que l’on pressentait. Éduquer avec lenteur, c’est simplement s’autoriser à vivre en respirant profondément, en contemplant le miracle de la vie à travers nos enfants, qui sans stress, s’épanouissent de façon beaucoup plus solide que ce que nous pensons.

 (1)    Cité par Adrian MacFarlane dans “Psychologie de la Naissance”

 

Source : « Criar despacio », Ibone Olza  ~ Traduction : Brigitte Rietzler // Temesira

La vision ayurvédique du post-partum

La naissance n’est que le tout début de la grande aventure qu’est la maternité. C’est après que tout commence. Et c’est souvent lors de cette étape que la plupart des femmes, dans notre monde occidental, se retrouvent bien seules. Elles étaient en pleine lumière pendant la grossesse, et c’est désormais le bébé qui est au centre de l’attention. Habituées à tout gérer, à « faire », à être performantes au boulot et en famille, cette étape de réceptivité et d’accueil n’est pas facile à vivre.

D’autant que les proches susceptibles de nous soutenir dans ce passage n’habitent pas forcément à côté, les amis sont chacun absorbés par leurs vies, et nous ne sommes pas non plus habituées à demander de l’aide.

Les familles sont devenues de petites entités-la responsabilité d’accompagner un enfant qui grandit repose principalement sur 2 personnes- alors qu’auparavant, la famille élargie et la communauté étaient plus présentes. Un proverbe africain dit d’ailleurs que « pour qu’un enfant grandisse, il faut tout un village. » Alors, construisons-nous la « tribu » qui nous convient, tissons des réseaux d’entre-aide, de soutien et de partage autour de nous afin de mieux vivre le post-partum et tous les passages de vie!

Pour s’inspirer, on peut observer que dans de nombreuses cultures traditionnelles (en Asie, en Afrique, en Amérique Latine), les femmes sont bichonnées par d’autres femmes de leur famille ou de leur entourage. Elles gèrent toute l’intendance, apportent leur soutien, prodiguent des massages, cuisinent, s’occupent des autres enfants…Présence, accompagnement et transmission permettent à la nouvelle maman de mieux vivre cette transition et de pouvoir pleinement établir le lien avec son bébé. Dans ces contrées,  la dépression post-partum n’existe tout simplement pas!

Shabd ‘Simran’ Adeniji est sage-femme. Elle a grandi en Inde et nous expose la vision ayurvédique du post-partum que je vous laisse découvrir :

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« J’adore partager la belle coutume indienne des relevailles pendant la période postnatale, période durant laquelle les mamans et leurs bébés restent à la maison pendant 40 jours après la naissance. Je connais bien cette tradition car j’ai grandi dans une communauté Sikh et ai vécu en Inde pendant 12 ans. En tant que mère et sage-femme ayant exercé pendant 8 ans en Nouvelle-Zélande, j’ai beaucoup de plaisir à voir la résurgence de cette pratique postnatale aux Etats-Unis, une tradition commune dans la plupart des pays non occidentaux.

 

Pourquoi 40 jours?

Bien que le laps de temps de cette étape varie, dans la plupart des communautés indiennes, la période des relevailles dure quarante jours ou environ six semaines, ce qui correspond au temps nécessaire à la plupart des femmes pour établir l’allaitement. Les relevailles sont également favorables à la convalescence physique et le niveau d’énergie remonte peu à peu afin de pouvoir revenir aux activités d’une vie normale. Un proverbe indien dit d’ailleurs que « les 40 premiers jours de vie auront un impact sur les 40 prochaines années de vie ».

Les quarante jours des relevailles permettent au corps de la femme de récupérer de l’intensité de l’accouchement : alors que les niveaux hormonaux changent drastiquement, l’utérus revient également à sa taille d’avant la grossesse, la production de lait s’établit et les incisions du périnée ou les césariennes cicatrisent.

Les femmes deviennent mères (même si ce n’est pas pour la première fois) en assimilant les événements liés à la naissance, en s’ajustant au manque de sommeil et en répondant aux nouvelles demandes de leur corps. Cette étape postnatale est exigeante physiquement, mais représente également une précieuse opportunité pour établir le lien avec le nouveau bébé et lui offrir une douce bienvenue en ce monde.

Que se passe-t-il pendant 40 jours?

Je me souviens très précisément des 40 jours chez moi avec ma fille nouvelle-née. En pleine lutte avec les défis de l’engorgement, tendre descente aux enfers, et les montagnes russes des changements hormonaux, j’avais besoin d’être nourrie par les autres. L’aide que mon mari et moi avons reçue nous a aidé à gagner en confiance en nous, en tant que nouveaux parents. Contrairement à ce que peuvent évoquer les relevailles, les femmes qui pratiquent cette tradition ne sont pas seules ni isolées, par conséquent leur niveau de stress et d’anxiété lié à cette nouvelle maternité baisse. Selon mon expérience, les femmes qui suivent cette pratique –y compris celles qui reçoivent de l’aide des autres- ont des taux plus bas de dépression post-partum.

L’intention primaire de 40 jours à huis clos est de fournir protection au nouveau-né délicat et sensible et de permettre à la mère de se reposer et de récupérer. En Inde, les mères sont encouragées à s’abstenir des tâches ménagères, de la préparation des repas, du nettoyage ou même de recevoir des invités. Elles peuvent profiter d’un temps souvent sous-évalué nécessaire à un repos profond et pour être avec leur nouveau-né. Sortir à l’extérieur comprend de courtes balades autour du pâté de maison pour les mamans, mais les bébés restent à la maison sauf en cas de besoin urgent de quitter la maison.

L’Ayurvéda, une médecine traditionnelle vieille de 5000 ans, considère cette période comme une étape sensible pour les mères, en particulier pour le système digestif- d’où l’accent mis sur des aliments simples et digestes. Traditionnellement, les mères reçoivent des massages à l’huile chaude tous les jours. On leur propose des aliments spécifiques mais simples et une variété de tisanes pour favoriser la convalescence et le rétablissement, booster leur immunité et améliorer la production de lait.

Comment recevoir de l’aide ?

Dans la culture traditionnelle indienne, les femmes vivent avec leur belle-famille. Après la naissance, les nouvelles mamans retournent chez leurs mères ou bien leurs mères s’installent temporairement chez elles. De nombreuses femmes proches sont habituellement disponibles pour apporter leur soutien pendant cette étape particulière. Dans nos sociétés, l’organisation post-partum requiert plus de créativité et de planification.

Certaines mamans peuvent compter sur une ou plusieurs personnes proches qui peuvent les aider pendant un temps. Pour d’autres, comme moi, la meilleure option a été de m’offrir les services de quelqu’un pour le ménage et la cuisine ainsi que de demander de l’aide à des amis proches pour d’autres types de soutien. Évidemment, c’est un engagement financier, mais pour mon mari et moi, cela a valu la peine. Je le vois comme un investissement pour le reste de ma vie et la vie de mon enfant.

 

Cherchez des personnes aidantes

Il est important de choisir des personnes aidantes qui sachent respecter l’espace sacré de ce moment. Les tâches peuvent comporter le filtrage des appels et des visiteurs, aider pour les lessives, préparer un « Badaam » épicé (recette à la fin de l’article), préparer des petits plats et des boissons chaudes tout au long de la journée, ou prodiguer un bon massage plantaire – comme l’a fait une amie pour moi pendant que j’allaitais mon bébé pour ce qui me semblait la millième fois de la journée. Les doulas du post-partum peuvent également remplir ce rôle en offrant leur soutien physique et émotionnel tout au long de ces 40 jours.

Dans notre communauté Sikh, un réseau constitué d’amis proches et membres de la famille apporte des repas à la fois simples et délicieux chaque jour pendant ces 40 jours. Un ami peut par exemple créer un « agenda des repas » qu’il coordonnera avec ceux qui s’engagent à cuisiner un repas par semaine pendant six semaines. Cela permet de respecter ces 40 jours pour la maman, même si aucun membre de la famille n’habite dans les environs. D’autres membres de la communauté prennent souvent en charge les autres enfants ou les animaux domestiques, ce qui est très aidant pendant cette période. Tout soutien qui réduit la pression sur la mère et la famille est un cadeau parfait pendant ces premières semaines.

Je sais bien que cela peut être un vrai défi pour les nouvelles mamans de s’organiser pour s’octroyer 40 jours de repos dans leurs vies occupées et stressantes. Certaines mamans ont besoin de retourner travailler ou ont d’autres enfants dont elles doivent s’occuper. Pour autant et malgré toutes ces circonstances, j’encourage les femmes à demander et à accepter de recevoir l’aide dont elles ont besoin pour se rétablir et créer le lien avec leur bébé. Ces premières semaines ne sont à nulle autre pareilles. Peut-être que tout le reste peut attendre pendant seulement 40 jours ? »

 

Recette de la boisson ayurvédique “Badaam”

Faites tremper 10 amandes toute une nuit

1 tasse de lait chaud
½ càc de Ghee (beurre clarifié)
1 càc de miel ou sirop d’érable
1 pincée de curcuma (optionnel)
Enlevez la peau des amandes. Mixez tous les ingrédients ensemble.

Faites chauffer le mélange à feu doux. Servez chaud.

 

Article écrit par Shabd ‘Simran’ Adeniji, sage-femme et éducatrice parentale à Santa Fe au Nouveau Mexique.

Vous pouvez également consulter sa page web : www.mynurturingsolutions.com

Source : Ayurvedic Postpartum by Peggy  O’Mara ~Traduction Brigitte Rietzler // Temesira