Allaitement maternel, le lien qui libère – par Coline Enlart

En attendant d’avoir lu le dernier livre de France Guillain « J’allaite mon enfant » (Ed. La Plage), je partage l’article très pertinent de Coline Enlart, publié dans Top Nature (mars-avril 2018).
En effet, par ce blog, j’ai envie de vous apporter toutes sortes de ressources qui abordent le devenir maman sous toutes ses coutures.  On voit passer beaucoup d’infos sur les réseaux sociaux ou dans les magazines, parfois difficile à retrouver ou qui, trop vite, se diluent dans la masse : on finit par perdre le fil. Cet article est précieux, je souhaitais qu’il reste accroché quelque part sur la Toile, ici 🙂
Coline Enlart est journaliste, « tendanceuse » BIO et fondatrice dudit magazine top, que vous  trouverez dans vos magasins bio (Naturalia) ou aussi ici en pdf. Egalement au sommaire du bimestriel ce printemps, découvrez des recettes pour les veggies kids et l’interview de  Shantala Shivalingappa, danseuse virtuose que j’adore, qui parle de son choix d’être vegan.

Et pour en revenir à France Guillain, elle est l’auteure entre autre du Bain dérivatif, qui permet d’agir sur l’inflammation, mère de nombreux problèmes de santé. J’ai aussi une petite pensée pour elle les matins où je me prépare un Miam Ô Fruits, l’un de mes petits-déjeuners incontournable depuis déjà quelques années. Sans plus attendre, voici l’article qui vous permettra de la découvrir un peu plus au passage :

Aujourd’hui, nombreuses sont les femmes qui considèrent que l’allaitement n’est pas compatible avec leur vie active et leur autonomie. Dans son nouveau livre, France Guillain anticipe leur questionnement et leur donne les clés d’un allaitement réussi et d’une maternité active.

France Guillain n’est pas tombée de la dernière pluie. Aux antipodes de ces auteurs de livres de compilation qui ne font que rassembler des lieux communs au titre de conseils pratiques, elle sait de quoi elle parle et ses guides s’avèrent nourris par l’expérience. Une soixantaine de livres au total dont aujourd’hui J’allaite mon enfant, longtemps après son ouvrage emblématique Le bain dérivatif qui met en lumière une technique naturelle aussi révolutionnaire qu’accessible puisqu’elle ne demande qu’un peu d’eau pour être appliquée.
Aux yeux de France Guillain, l’allaitement se présente comme une évidence : elle a elle-même allaité ses cinq enfants alors que sa vie ne se résume pas vraiment à un long fleuve tranquille, plutôt à une expédition sur les terres de la découverte et de l’ouverture d’esprit. Vingt ans de tour du monde à la voile ponctués de diplômes et de recherches scientifiques en même temps que de naissances d’enfants : France Guillain ne s’en laisse pas conter et le récit de son parcours révèle une détermination sans faille au cœur de laquelle les méthodes naturelles font figure de repères et ont tout à gagner car elle sait les utiliser avec intelligence, les conseiller avec discernement. Son expérience de l’allaitement traduit une vraie connaissance des fondamentaux tels que l’argile verte, l’alimentation saine, les bains dérivatifs, évidemment, et tous ces gestes de bienveillance quotidienne envers notre corps et celui de notre enfant que nous, femmes autonomes et sereines, avons appliqués au fil de nos années d’engagement personnel envers la grossesse, la naissance et la petite enfance.

J'allaite mon enfant Livre Editions La Plage France Guillain Allaitement maternel Féminisme

NOUS NE SOMMES PAS DES FONCTIONS

Le préambule de France Guillain est clair et net : l’amour maternel ne se mesure pas à la manière de nourrir son enfant. Nous ne sommes pas des fonctions, assène-t-elle d’emblée et cette prise de parole a le mérite de bien camper les frontières de la maternité. Que personne ne s’aventure à faire de l’auteur une égérie exaltée aux attributs idéologiques : ce n’est pas son propos. A travers un allaitement naturel à la demande, il ne s’agit pas de servir la soupe à quelque mouvement bien-pensant que ce soit, fût-elle BIO et de saison. Le pouvoir aux femmes et aux bébés !

La mère, et la mère seule, doit décider d’allaiter ou non son bébé au sein. Les critères de cette décision doivent être examinés à la lumière d’éléments objectivables et non de diktats sociaux qui ne peuvent que réduire l’autonomie des femmes, qu’ils orientent le choix dans un sens ou dans l’autre.
Non, la maman ne peut pas ignorer que le lien de corps entre elle et son bébé, ce maternage favorisé par l’allaitement permet de tisser un attachement profond sur lequel les bases de la sécurité intérieure se construisent. Et plus tard, l’autonomie : comme un lien qui libère.
Pas plus qu’elle ne peut ignorer que le colostrum du lait maternel (liquide épais et jaunâtre faisant office de « lait des premiers jours »), encourage fortement le bon fonctionnement du système immunitaire de l’enfant à coup d’immunoglobulines qui vont jouer à long terme un rôle anti-infectieux très important. Des protéines, donc, mais également des vitamines et des minéraux : un trésor à l’état brut. Chez France Guillain, les cinq enfants, des filles, ont été allaitées, en mer ou à terre, entre un an et un an et demi, qu’elle eût à travailler comme tout le monde ou à barrer son bateau, pas comme tout le monde. Comme elle le dit elle-même : « Une des merveilles avec le lait maternel, c’est que les bébés ne sont pas malades ou vraiment si peu que l’on ne se fait pas de souci pour leur santé. Pas de diarrhées, pas de constipation, l’essentiel est que la maman se nourrisse avec intelligence. Et qu’elle mastique bien des produits frais, naturels. » Nous ne sommes pas réductibles à des fonctions, nous sommes libres, nous avons le choix : à nous de nous donner les moyens de ce choix sans nous placer a priori dans le spectre obscur de l’esclavage et de la soumission, alimenté tant par des lobbys que par les idées reçues.

Allaitement France Guillain j'allaite mon bébé Féminisme John Dowland

ET LE FÉMINISME ?

La décision de l’allaitement maternel pose de vraies questions sur le rapport à son enfant que l’on entend privilégier sur la durée. Avant toute chose, à quels mécanismes inconscients fait appel cette décision, tant en terme d’histoire familiale que de projection sociale ? Comme le souligne France Guillain, trois types de compétences définissent l’allaitement maternel pour les mammifères que nous sommes : l’instinct, les compétences archaïques et les compétences acquises. Alors que, fortes de leur pouvoir tentaculaire, les idées reçues persistent à mettre à mal des données scientifiques, physiologiques et psychologiques en faveur de l’allaitement maternel, de nombreuses femmes prouvent que l’on peut parfaitement mener une vie professionnelle, une vie conjugale et une vie personnelle équilibrées tout en favorisant le développement affectif de son bébé par l’allaitement. N’en déplaise aux féministes de pacotille qui envahissent les réseaux sociaux de leur discours inféodé aux stéréotypes dominants, le féminisme est affaire d’autonomie durable, pas d’infantilisme normatif, et il s’accommode fort bien de la liberté d’allaiter. France Guillain passe ainsi en revue ces idées convenues tout en donnant immédiatement au « problème » qu’elles soulèvent la solution concrète qui leur tord gentiment le cou, de l’allaitement qui abime la poitrine aux seins trop petits pour allaiter, en passant par l’absence de bouts de seins et autres craintes dites féminines. Quant à la psychanalyse mal comprise qui culpabiliserait systématiquement les femmes qui allaitent sou prétexte qu’elles étouffent leur enfant (???), nous avons ainsi connaissance de ses limites : il ne s’agit pas là de psychanalyse mais encore une fois de discours social inversé. Un assujettissement de plus.

LES BONS ACIDES GRAS

Obstétricien, ancien chef du service de chirurgie et de la maternité pilote de Pithiviers puis sage-femme à domicile en Angleterre, le docteur Michel Odent a écrit avant tout le monde, en 1990, un ouvrage très documenté sur l’importance pour le développement du cerveau de l’enfant, des acides gras essentiels contenus dans le lait maternel. Ainsi que le rappelle France Guillain dans son livre, l’allaitement maternel favorise des connexions synaptiques dans le cerveau du bébé qui ne seraient jamais activées autrement, et ce sont les acides gras polyinsaturés présents dans le lait maternel qui expliquent ces connexions. Ils interviendraient non seulement au niveau du développement cérébral et rétinien, mais aussi au niveau de la synthèse des médiateurs de l’inflammation et des médiateurs vasculaires. Sur ce point réside sans doute l’un des arguments les plus déterminants en faveur de l’allaitement maternel en terme de santé pour l’enfant. Dans ce sens, l’OMS préconise aujourd’hui un an d’allaitement. Et personne ne songerait à reprocher à l’OMS de défavoriser les lobbys des laits maternisés ! Précisons cependant au passage qu’en cas d’impossibilité de mettre en place un allaitement confortable et joyeux, ce sont bien évidemment des laits maternisés certifiés BIO qu’il convient de choisir.

Sachant qu’un allaitement au sein se prépare avant la naissance du bébé, les solutions naturelles s’imposent au fil des jours à la maman qui apprend à les connaître. Argile verte, bains dérivatifs, huiles de massage pour les seins, tisanes galactogènes, alimentation biologique complète privilégiant les céréales, légumineuses, graines germées, huiles de première pression, fruits séchés, fruits et légumes frais de saison, et limitant sérieusement les apports de produits laitiers conventionnels ainsi que la consommation de gluten : l’allaitement ne sera qu’un jeu d’enfant qui apportera une joie profonde au bébé, à la maman et à son compagnon, ou sa compagne.

L’ACCOUCHEMENT

Les conditions d’accouchement déterminent en grande partie les conditions d’allaitement. Plus la future maman se trouve stressée par le contexte hospitalier, l’encombrement de la maternité, la précipitation de l’obstétricien, la surcharge de travail des infirmières…, moins l’évidence de l’allaitement s’imposera à elle si elle se sent insécurisée et par conséquent vulnérable à la pression extérieure. Non, il ne faut pas accepter de biberon « en attendant » aux tous premiers instants sur terre du bébé. Oui, il faut lui laisser le temps de prendre le sein quand il est allongé sur le ventre de sa maman, au moment de sa naissance. Oui, il est préférable de le garder contre soi, en peau à peau, lorsqu’il voit le jour. Oui, un petit bain avec la complicité du papa s’avère bienvenu au plan sensoriel pour compenser la brutalité de la sortie du ventre maternel… Oui, génial obstétricien précurseur, puis écrivain et photographe, Frédérick Leboyer voyait juste lorsqu’il disait que la naissance doit être pratiquée sans violence… Oui la douceur de l’accueil dans le cadre de l’accouchement enfante un sentiment de sécurité durable pour le bébé et favorise l’autonomie affective de l’adulte qu’il sera bientôt… C’est en lien avec tous ces paramètres que l’allaitement s’inscrit harmonieusement. Oui, l’allaitement désiré est une merveille. Le bébé est un mammifère, répétait Michel Odent. Oui, nous sommes des mammifères, heureuses de prendre dans la société la place que nous choisissons et d’offrir cette autonomie à nos bébés à travers une naissance sans violence et un allaitement qui célèbre la plénitude.

Crédits Photos : John Dowland

A LIRE :
– Attendre bébé autrement, Catherine Piraut-Rouet & Emmanuelle Sempers-Gendre, Ed. La Plage
– Elever son enfant autrement, Catherine Dumonteil-Kremer Ed. La Plage
– Pour une naissance sans violence, Frédérick Leboyer, Ed. Seuil (collection Points)
– Shantala, Frédérick Leboyer, Ed. Seuil
– Le Bébé est un mammifère, Michel Odent, Ed. L’Instant Présent

J’ajoute :
– Quels laits pour mon bébé, Candice Levy, Ed. Souffle d’Or
– La page de France Guillain

RESSOURCES ALLAITEMENT :
– Véronique Darmangeat, conseillère en allaitement IBCLC et formatrice : Centre Allaitement et blog A tire d’Ailes
– Carole Hervé, Question d’allaitement, conseillère en allaitement IBCLC (Carole se déplace à domicile, propose également des consultations par Skype/Facetime, et in English if needed)
– La Leche League

Est-ce que je peux vraiment allaiter mes jumeaux pour les nourrir? Le récit de Marina pour "A Beautiful Body Project".

Marina raconte comment se dévoiler lors de la séance photo pour A Beautiful Body Project rimait pour elle au début avec l’exposition au grand jour des failles et des ratés de son corps. Hésitante à se faire tirer le portrait en tant que maman allaitante, titre dans son esprit réservé aux mères pratiquant l’allaitement exclusif, ces « vraies » mères allaitantes dont les bébés n’ont jamais vu un biberon ni goûté une goutte de lait artificiel.

Mais voila, l’allaitement, ça s’est pas vraiment passé comme ça pour elle.

Après être passée par les affres de l’infertilité, de la FIV, d’un accouchement déclenché qui se termine par une ventouse, elle a “appris à ne pas faire entièrement confiance à son corps”, comme s’il lui manquait cette sagesse maternelle innée que beaucoup de femmes ressentent. Malgré cela, elle était décidée à allaiter. Quelques minutes seulement après la naissance de son second fils, les deux garçons, déposés sur sa poitrine, ont commencé à téter. Enfin quelque chose qu’elle pouvait faire, un des processus du maternage que son corps était capable de faire.

Après 2 semaines pourtant, elle sent que quelque chose ne tourne pas rond. Pleurs incessants et perte de poids des bébés, bataille avec elle-même pour tenir son intention : supplémentation, extraction de lait, ses bébés au sein non-stop, des litres de tisanes pour produire du lait ingurgités…mais les pleurs des petits continuent. Elle aussi en  pleure, seule, enfermée dans sa salle de bain. Elle pleure ce corps défaillant pour elle, mais aussi pour ces deux beaux bébés qui dépendent d’elle pour être nourris.

Lorsque son mari leur donne leur premier biberon, elle en larmes tout du long. Le lait artificiel synonyme de baiser mortel de l’allaitement auquel elle croyait. Les petits dévorent le bib, s’endorment saouls de lait. Ce biberon de lait faisait ce que ses seins étaient incapables de faire. Elle déteste alors ses seins pour ne pas donner assez et elle-même pour ne pas être assez : un grand sentiment d’échec et de ressentiment envers son corps, qui ramène en bloc le souvenir de toutes ces années d’infertilité, faisant écho à la douleur et aux insécurités de cette période.

Depuis, elle a fait la paix avec son corps et avec l’histoire de son allaitement. Elle ressent toujours de temps à autre du ressentiment et de la culpabilité envers son corps qui n’a pas pu donner à ses petits l’allaitement exclusif qu’elle souhaitait pour eux. Marina apprend à aimer son corps pour tout ce qu’il fait, mais aussi pour ce avec quoi il a lutté. Elle chérit le miracle d’avoir pu concevoir ces 2 incroyables bébés en dépit de tout et dévoile sa fierté d’avoir pu les avoir si longtemps au sein : lorsqu’ils lèvent les yeux vers elle, leurs petits sourires à deux dents lui rappellent que ces moments sont précieux et qu’à leurs yeux, elle est cette « vraie » maman allaitante qui réussit et qu’ils aiment de façon inconditionnelle malgré ce qu’elle perçoit comme ses failles.

Ce n’est certes pas comme ça qu’elle avait envisagé la maternité. Ses seins n’ont pas tout pu apporter à ses bébés et ils adorent désormais les aliments solides. Mais ils s’endorment encore au sein en caressant son cou, ils rampent pour téter s’ils se sont fait mal ou qu’ils ont peur et ils se donnent la main et jouent avec les cheveux de l’autre lorsqu’ils sont au sein ensemble. Cette expérience lui a appris à aimer son corps allaitant, même s’il est un peu mou et manque de tonus. Elle chérit tous ces moments d’intimité et de complicité avec ses bébés et s’émerveille de toutes les petites choses que son corps a accomplies et continue de faire.

Photos et récit recueillis par Ashley Nayler, l’une des photographes thérapeutiques pour A Beautiful Body Project, basée dans l’Ontario (Canada).

Pour en savoir plus sur son travail, vous pouvez aussi la suivre sur Facebook/ashnaylerphotography

Source :  A Beautiful Body Project  ~Traduction Brigitte Rietzler // Temesira