Puissance féminine et connexion à notre utérus
La force de l’amour, c’est cela qui émane d’une femme lorsqu’elle est connectée au battement de son utérus
Interview d’Elisabeth Josephs-Serra, qui enseigne une danse tantrique destinée aux femmes
« J’ai 54 ans. Je suis née à Barcelone et je vis à cheval entre la Costa Brava et le Devon (Angleterre). Mariée, j’ai deux enfants. J’ai un master en Psychosynthèse. Nous avons besoin d’une politique qui unisse et non qui sépare. J’ai eu beaucoup de croyances, ce qui me reste aujourd’hui c’est l’expérience, c’est elle qui me guide. »
La chamane
Sa propre quête de sens l’a menée sur divers sentiers, depuis des études formelles en psychothérapie jusqu’à passer dix ans en Inde auprès de différents maîtres. Elle a compris que le problème, c’était notre regard sur les choses : « Toute notre éducation est focalisée seulement vers l’extérieur. J’honore profondément les hommes, mais pas le patriarcat : une façon d’interpréter notre existence. Nous devons apprendre à regarder d’une façon viscérale et diriger nos pensées vers le cœur. Nous sommes tous nourrissants lorsque nous nous ouvrons au féminin, mais ce sont nous, les femmes, qui devons commencer ». Elle exerce comme chamane et travaille avec des groupes de femmes.
Qu’est-ce qu’il nous arrive, à nous, les femmes?
Nous avons perdu notre pouvoir authentique. Pendant des millénaires nous avons suivi le modèle de la soumission.
Ça c’est du passé.
Nous sommes présentes dans le monde culturel, économique et politique, mais en imitant et en agissant à partir du pouvoir reconnu, qui est le masculin immature.
Définissez-moi le masculin immature.
Le masculin immature, dans son besoin de dominer et contrôler, conséquence de la peur qui a pour origine la déconnexion par rapport à son féminin “c’est-à-dire la terre, l’intuition, le corps émotionnel, le profond, le sacré-, a dévalorisé la connexion avec les sentiments et les émotions. Les hommes ont peur des femmes parce qu’ils ont peur de leur propre féminin.
Actuellement beaucoup d’hommes sont tendres et s’impliquent dans leur foyer.
L’époque de la modernité discrédite le macho. La femme s’est masculinisée et l’homme s’est féminisé, mais son modèle est celui de l’enfant tendre, pas celui de l’homme qui prend soin.
Personne n’est à sa place?
Cela fait des millénaires que nous n’expérimentons aucun des archétypes authentiques -masculin et féminin- dans leur maturité. La souffrance que nous vivons actuellement (crise économique, écologique, politique, sociale…) est due à l’impasse relationnelle entre le féminin et le masculin.
Parlez-moi de ce féminin mature.
Le pouvoir féminin authentique se réalise grâce à la reconnexion et au réveil de l’utérus. Dans les traditions anciennes, les femmes sages savaient que leur utérus était le centre de leur pouvoir créateur à tous les niveaux.
Où nous place cette déconnexion?
Nous agissons depuis la peur, et nous ignorons notre véritable pouvoir érotique et sensuel. Si l’on n’est pas ancrée, on est comme un cerf-volant à la dérive, et cela nous met dans une situation de soumission ou de rébellion face au pouvoir masculin immature. Lorsque nous ne sommes pas enracinées nous manquons d’assurance et nous entretenons la fausse croyance d’avoir besoin d’un homme pour voir en lui le reflet de l’amour que nous sommes.
On veut qu’ils nous aiment, c’est logique.
A quel prix?…, en étouffant les émotions. La culture patriarcale a discrédité le pouvoir féminin. La menstruation a été considérée comme quelque chose d’impur que les femmes elles-mêmes cachent, alors qu’en réalité c’est le sang de la vie, il n’est en rapport ni avec la maladie, ni avec la mort. Grâce à ce processus cyclique “pré-ovulation, ovulation, pré-menstruation et menstruation »- on accède aux authentiques archétypes féminins.
De quoi s’agit-il?
Le cycle féminin est en lien avec les quatre saisons, qui correspondent au processus naturel de mort et résurrection. Il ne peut y avoir de création sans mort. Si nous, les femmes, nous pénétrions dans la sagesse de nos corps, nous saurions que pendant la pré-menstruation et la menstruation, nous nous libérons de nos parts d’ombre, ce qui nous permet de créer depuis une autre perspective. C’est comme une désintoxication physique et psychique.
Et que se passe-t-il pour les femmes qui n’ont plus d’utérus ou qui sont ménopausées?
Pendant nos années fertiles, nous vivons dans un état d’apprentissage de notre pouvoir. Lorsque nous arrivons à la ménopause nous avons intégré ce pouvoir en nous : nous sommes la femme sage.
De laquelle on a peur et de laquelle on s’écarte.
En tant que femme, nous sommes conditionnées à avoir peur de montrer notre potentiel authentique (inconsciemment tout du moins) pour ne pas blesser l’homme et qu’il ne nous abandonne pas ou ne nous agresse pas. Et physiquement, nous nous soumettons à une beauté cruelle (chirurgie esthétique etc.) pour paraître éternellement jeune, une fausse imitation de l’authentique beauté.
Qu’est-ce que l’authentique beauté?
La force de l’amour, c’est cela qui émane d’une femme lorsqu’elle est connectée au battement de son utérus et qui, indépendamment de l’âge, la maintient juteuse et sensuelle.
Juteuse et sans homme à ses côtés?
Oui nous sommes juteuses avec ou sans hommes à nos côtés, même si nous avons des maris, des compagnons et des amants. Récupérer le pouvoir féminin, c’est la clef pour sortir de l’isolement collectif.
De quel pouvoir me parlez-vous?
De l’amour bien compris : intuitif, érotique, tendre et féroce à travers lequel l’homme pourra se voir reflété et pourra récupérer sa dignité et sa présence ; c’est uniquement à ce moment-là que l’on pourra établir le pont créatif et alchimique qui existe de façon authentique entre les deux.
L’amour féroce, ça a l’air agressif.
C’est cela que tant d’hommes craignent, ils ont peur de cette nécessaire furie féminine qui dit les vérités, qui défie le masculin immature, fruit de la peur de son propre féminin. Cette peur qui les déconnecte des émotions et les laisse dans le monde des idées, qui les prive de leur dignité et les remplit de honte et culpabilité d’utiliser un pouvoir qui n’est pas au service de la vie.
Comment nous connecter à notre utérus?
En portant notre attention vers ces parties (utérus et vagin) abandonnées à la science et à l’homme, nous entrons dans une merveilleuse aventure d’éveil à ce que notre intuition entrevoyait.
Mais quelle est la voie?
Pour moi, la voie la plus rapide est une danse qui nous connecte au mouvement en spirale et cyclique de l’univers, et qui nous permet de nous relier à nous-mêmes et d’avoir accès à la sagesse nécessaire à chaque instant. L’observation de notre processus cyclique nous permet d’éveiller les archétypes féminins et de guérir la blessure et la défiance entre femmes, héritage du patriarcat.
Source : La Contra de la Vanguardia – 17 oct 2012 (Ima Sanchís) ~ Traduction Brigitte Rietzler /// Temesira