Notre flore intestinale et son développement à partir de la naissance

Le microbiote, l’autre nom de la flore intestinale, renferme des milliards de bactéries qui nous aident à digérer et jouent un rôle primordial dans notre immunité. En effet, grâce à la production d’enzymes, ces bactéries participent à l’assimilation des nutriments que nous absorbons et à la dégradation des déchets que le corps éliminera ensuite. Sur le plan immunitaire, la flore joue à la fois un rôle de barrière contre la colonisation des bactéries et favorise le développement et la maturation de nos défenses naturelles.

Cette population bactérienne formerait une masse de 1,5 à 2 kg chez l’adulte. Chaque microbiote est unique (même si les espèces bactériennes sont semblables d’une personne à l’autre) et constitue ainsi une véritable « empreinte digitale » du tube digestif.

La constitution du microbiote commence à la naissance (dès la rupture des membranes fœtales), c’est pour cela que Michel Odent parle de la naissance également comme d’une naissance bactériologique, de la plus haute importance pour le reste de notre vie. « L’avenir de la flore intestinale dépend de la nature des germes qui seront les premiers à occuper le territoire. […] Le nouveau-né a besoin d’être contaminé au plus vite par les microbes satellites de la mère, c’est-à-dire  les microbes domestiques. Ainsi sera-t-il mieux protégé contre l’agression par des microbes plus dangereux », peut-on lire dans Le Bébé est un mammifère (Ed. l’Instant Présent). La naissance par voie basse ainsi que l’absorption du colostrum des premières heures par le bébé favorisent donc grandement le bon développement de sa flore intestinale, c’est-à-dire de son « capital santé ».

Par la suite, le contact de l’enfant avec les microbes continuera à travers ses différents jeux et activités pour lesquels il s’agira de trouver la juste mesure entre la saleté excessive et des environnements exagérément aseptisés.

Pour plus d’informations sur le microbiote, je vous laisse découvrir un extrait de la lettre d’information « Santé Nature Innovation» publiée par Jean-Marc Dupuis :

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Nous sommes les microbes et nous sommes vos amis

Pour chaque cellule dans votre corps, vous avez 100 microbes de toutes sortes qui pullulent dans votre bouche, vos oreilles, sur votre peau, vos organes génitaux et, surtout, dans vos intestins. Chez un adulte, leur nombre avoisine 100 000 milliards.

Cela peut paraître dégoûtant mais, en réalité, la plupart de ces microbes semblent ne rien faire. Certains vous rendent service. Seule une petite minorité d’entre eux sont dangereux : les microbes pathogènes, c’est-à-dire générateurs de maladies.

 

Pourquoi prendre soin de vos microbes

Quand j’écris que la plupart de ces microbes semblent ne rien faire, ce n’est pas tout à fait exact. En réalité ils ont d’abord le mérite, dans l’immense majorité, d’occuper l’espace. Ils empêchent les microbes pathogènes de s’installer et de se multiplier. En ce sens, leur présence constitue une cuirasse de défense indispensable à notre vie. La dernière chose que vous puissiez souhaiter serait d’éliminer à coup d’eau de javel les bactéries recouvrant un de vos organes sensibles, par exemple vos organes génitaux ou votre intestin. Loin d’être « enfin propre », l’espace ainsi nettoyé serait immédiatement colonisé par de nouveaux arrivants dont rien ne vous garantit qu’ils auront le cœur pur et l’esprit rempli de bonnes intentions. C’est ainsi que se produisent les infections. .

Il est donc regrettable que nous dépensions tant d’énergie depuis plus d’un siècle à vouloir tuer les microbes sans distinction à coup d’antiseptiques, de fongicides et d’antibiotiques pas toujours indispensables. (NB : ceci n’est pas une critique des antibiotiques, mais des abus d’antibiotiques).

Même si nous ne les voyons pas, même si nous ne les connaissons pas, la plupart de ces bactéries sont nos amies. Et avoir 100 000 milliards d’amis, ce n’est pas rien !

 

Votre microbiote intestinal, foyer de votre santé

Parmi ces microbes, les plus nombreux et les plus importants pour la santé sont les bactéries et levures qui vivent en symbiose dans votre intestin et qui constituent la « microflore intestinale », ou « microbiote ».

Avant d’en parler, je signale à mes aimables lecteurs que les notions que nous aborderons sont à l’extrême pointe des connaissances scientifiques actuelles, ce qui m’obligera à une certaine prudence. Très prometteur pour la médecine du 21e siècle, c’est un domaine extrêmement complexe, du fait des interactions entre l’organisme et des myriades de bactéries qui évoluent très vite, qui plus est dans un environnement difficile à reproduire : on ne peut pas, en effet, réaliser in vitro (en laboratoire) ce qui se passe dans votre intestin, et l’observation in vivo (chez une personne vivante) reste très difficile. La connaissance dans le domaine des bactéries intestinales progresse donc lentement, et de façon incertaine.

 

Bref rappel sur la structure des intestins

Vos intestins sont un long tuyau tapissé d’une muqueuse appelée épithélium intestinal, elle-même formée d’une fine couche de cellules appelée entérocytes dont la structure en brosse (sorte de velours dont chaque poil est appelé villosité intestinale) en augmente considérablement la surface d’échange. C’est en effet l’épithélium intestinal qui assure les échanges entre le milieu extérieur et l’intérieur de votre corps.

Oui, je sais, il est curieux de penser que les choses qui passent dans les intestins sont à l’extérieur du corps, mais c’est un fait : tant que les nutriments n’ont pas traversé la paroi intestinale, pour rejoindre le sang, ils restent à l’extérieur de votre corps, tout comme l’air qui entre dans vos poumons reste à l’extérieur tant qu’il n’a pas pénétré dans le sang. La différence entre les intestins et les poumons est que, dans le cas des poumons, ce qui n’est pas absorbé ressort par le même trou (la bouche).

Déplié, la surface développée des villosités de votre épithélium intestinal couvriraient la surface d’un terrain de tennis. Et bien que cette muqueuse soit très fine, elle doit résister à toute épreuve : pas moins de 50 tonnes de nourriture lui passeront à travers pendant votre vie ! De plus, elle est peu irriguée de vaisseaux sanguins.

 

Votre épithélium est protégé et nourri par les bactéries

Le secret de la résistance et de l’intégrité de l’épithélium intestinal est qu’il est recouvert de microbes qui le protègent et le nourrissent. Ils sont plusieurs centaines d’espèces de bactéries et de levures, qui constituent, nous l’avons dit, « le microbiote ».

Ce microbiote se nourrit entre autres de fibres. Les fibres sont des éléments qui se trouvent dans notre alimentation mais que nous ne pouvons ni digérer, ni absorber. On en trouve abondamment dans tous les fruits et légumes. Elles nous sont indispensables d’une part parce qu’elles régulent le transit intestinal, d’autre part parce qu’elles sont nécessaires à l’entretien de l’épithélium intestinal. Les bactéries et les levures qui tapissent la muqueuse intestinale en raffolent. En effet, ces bactéries et levures font fermenter les fibres pour les dégrader et les absorber. Ce processus aboutit à la production d’acides gras à chaînes courtes, qui, miracle, sont justement la nourriture dont se nourrissent les cellules de l’épithélium. Elles en favorisent par conséquent l’entretien et la cicatrisation, lorsqu’il s’abime.

On le voit, tout le monde est gagnant dans l’opération : les bactéries et les levures, comme les cellules des intestins. On parle donc de microbes « mutualistes » ou de « symbiose », par opposition aux microbes parasites qui, eux, ne font que profiter sans rien donner en échange.

 

Ces microbes font aussi votre bonheur !

Mais les bienfaits de la collaboration entre votre microbiote et vos cellules intestinales (entérocytes) font encore un heureux : vous !

En effet, l’intestin fabrique certains neurotransmetteurs ; c’est le cas de 95 % de la sérotonine (hormone de la bonne humeur), de certaines enzymes (protéases, lactase) et vitamines (notamment B12 et K) et de nombreuses molécules messagères du système immunitaire (ARNm). Ces substances peuvent influencer notre stress et même déterminer notre caractère : lorsque le microbiote intestinal de souris aventureuses est transplanté dans les intestins de souris craintives, ces dernières deviennent plus audacieuses. L’expression « avoir les tripes pour » renfermerait donc une vérité littérale. Et les fidèles lecteurs de Santé Nature Innovation connaissent bien l’anagramme :

T-R-I-P-E-S = E-S-P-R-I-T.

D’autre part, ces bactéries semblent être capables de produire des composés chimiques qui régulent notre appétit, notre digestion, et notre sentiment de satiété.

Des chercheurs aux Pays-Bas se sont aperçus qu’en transplantant le microbiote de souris maigres dans les intestins de souris souffrant de syndrome métabolique (obésité, diabète, infections, liés à une baisse de la sensibilité à l’insuline), on observait une forte augmentation de la sensibilité à l’insuline des souris malades, et donc une amélioration de leur état.

 

Des bactéries intestinales mal-nourries provoquent des maladies

Lorsque les bactéries de votre intestin ne reçoivent pas les fibres dont elles ont besoin pour se régénérer, elles produisent moins de nourriture pour l’entretien de votre épithélium. Mais vous êtes aussi privé d’une partie des bonnes substances qu’elles produisent, et dont je viens de parler (sérotonine, enzymes, vitamines…).

Lorsque l’épithélium intestinal n’est pas bien nourri, il peut devenir hyper-perméable, c’est en particulier le cas chez les personnes intolérantes au gluten et aux protéines du lait de vache. Des bactéries pathogènes, des protéines et des glucides d’aliments insuffisamment digérés, peuvent passer dans le sang et y déclencher des réactions immunitaires néfastes. En découle une inflammation chronique qui peut provoquer avec le temps l’apparition du syndrome métabolique et de nombreuses maladies chroniques qui lui sont liées : colopathie fonctionnelle, maladies cardiovasculaires, diabète de type 2 et même cancer.

Les chercheurs ont aussi montré que l’intestin est anormalement perméable en cas de maladie de Crohn, spondylarthrite ankylosante, polyarthrite rhumatoïde, diabète de type 1 et probablement la plupart des maladies auto-immunes.

 

Soigner son microbiote commence à la naissance

Lorsque nous sommes dans le ventre de notre mère, notre tube digestif et notre peau sont stériles.

Mais le bébé qui nait par voie naturelle ramasse au passage les bactéries de sa mère qui vont rapidement coloniser sa peau, sa bouche, ses muqueuses et ses intestins. S’il nait par césarienne, ce sont les bactéries de l’environnement de la maternité, (celles des mains du personnel soignant ainsi que celles qui traînent dans les couloirs de l’hôpital), qui commenceront par s’implanter. Ces souches bactériennes, on s’en doute, présentent des risques pour lui.

Naissance Physiologique – Illustration Naolí Vinaver

Les études sur les bébés ont abouti à une découverte capitale concernant le microbiote. Pendant des années, les chercheurs nutritionnistes ont été interloqués par la présence, dans le lait maternel, de certains glucides complexes, des oligosaccharides que les bébés sont incapables de digérer par manque des enzymes adaptés. Or, il serait très étonnant que Dame-Nature, qui en général prévoit tout, gaspille les précieuses ressources nutritives de la mère pour apporter au bébé des aliments inassimilables.

Les chercheurs se sont aperçus que ces oligosaccharides particuliers ne sont pas là pour nourrir le bébé, mais pour nourrir des bactéries du genre Bifidobacterium (dont Bifidobactarerium infantis) spécialement adaptée aux oligosaccharides présents dans le lait maternel.

Quand tout va bien, ces bifidobactéries prolifèrent, empêchent d’autres hôtes moins désirables de s’installer, et nourrissent l’épithélium intestinal des enfants.

Ces oligosaccharides sont donc des prébiotiques, c’est-à-dire une nourriture pour le microbiote.

Les producteurs de lait maternisé n’ayant pas tenu compte, pendant longtemps, de ces découvertes, ils n’ont mis ni prébiotiques ni probiotiques dans leurs préparations, ce qui nuit à la qualité du microbiote et à l’immunité des enfants nourris au biberon.

Cela, ainsi que les naissances par césarienne, peut expliquer l’augmentation des cas d’allergies (eczéma), d’asthme, d’immunodéficience et même de maladies dégénératives chez les nouveaux- nés.

 

L’importance des jeux sales

Les enfants vont ensuite s’attirer toutes sortes de bactéries par les activités que tout parent connaît bien : porter à sa bouche tous les objets qui passent à sa portée, y compris les détritus ramassés dans les parcs publics et même les ordures ménagères.

Bien que ce réflexe puisse effrayer, et les parents vigilants éviteront bien sûr que leur enfant ne porte à la bouche des objets trop sales ou des produits dangereux, un microbiote confronté progressivement à des bactéries opportunistes ou légèrement pathogènes permet de développer une immunité mature qui lui permettra de mieux résister aux agressions futures. Ce processus est similaire à la maturation psychologique d’un enfant confronté progressivement aux difficultés de la vie.

A partir de 3 ans, le microbiote de l’enfant, bien que très spécifique, s’aligne en partie sur celui de ses parents, et même sur celui des personnes qui logent sous le même toit et mangent à la même table. Il peut encore évoluer, mais très difficilement. Introduire une nouvelle souche bactérienne dans le microbiote, c’est un peu comme introduire une nouvelle espèce dans une forêt à maturité : en principe, tous les espaces libres sont occupés, et il est très difficile au nouveau-venu de trouver une place. Cela ne se produit en général qu’à la suite d’une grave tempête, par exemple lorsque le microbiote a été décimé par une cure d’antibiotiques, bouleversé par une maladie infectieuse ou lorsque le germe nouvel arrivant est particulièrement fort ou favorisé par le terrain ou l’alimentation spécifique de l’enfant, par exemple le Candida albicans chez les enfants mangeant beaucoup de sucre (bonbons).

 

Les citadins, défavorisés

Sans surprise, les populations rurales traditionnelles, qui sont en contact avec les animaux, la terre, les plantes, et qui mangent des produits non transformés et non stérilisés, ont une microflore intestinale plus riche et plus performante que les populations des pays industrialisés vivant dans des bureaux et se nourrissant de plats préparés réchauffés aux micro-ondes.

La conséquence est donc, dans les populations occidentales, un intestin moins bien protégé et donc une plus forte sensibilité aux infections et aux maladies auto-immunes. Il résiste donc moins bien aux bactéries pathogènes : lorsque, à l’âge de 19 ans, je fis mon premier voyage au Pakistan, j’attrapai une infection intestinale pour ainsi dire dès que les roues de mon avion touchèrent la piste de l’aéroport international de Karachi. 170 millions de Pakistanais vivent pourtant dans ce pays et tous ne sont pas malades : c’est que leur intestin est bien mieux défendu que le nôtre par l’acquisition d’une immunité plus performante due aux contacts fréquents avec des bactéries opportunistes et pathogènes beaucoup plus variées.

 

Changer ses microbes

Aujourd’hui, les médecins sont capables de procéder à des transplantations de microbiote, ce qui consiste en réalité à prélever de la matière fécale dans le colon d’une personne (en bonne santé) pour la mettre dans le colon d’une personne malade. Cette pratique s’est avérée efficace pour guérir des personnes infectées par une bactérie pathogène devenue résistante aux antibiotiques, le Clostidrium difficile, provoquant une maladie infectieuse qui a triplé en 10 ans aux USA et fait 13 000 morts l’année dernière. Elle a quadruplé au Canada depuis 2003.

Mais avant de nous retrouver à toute extrémité, on peut aussi prendre des mesures de mode de vie pour retrouver un microbiote de qualité, qui vous protégera efficacement des attaques bactériennes, qui prendra soin de votre immunité intestinale, et qui diminuera notre risque de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2 et de cancer :

  1. avant de prendre des antibiotiques, assurez-vous auprès de votre médecin ou de votre thérapeute que c’est indispensable et qu’il n’y a pas d’autre solution pour soigner la maladie ou le trouble dont vous êtes affecté ;
  2. utilisez les nettoyants ménagers avec parcimonie. Votre intérieur doit être propre ; mais il faut éviter de vivre dans un contexte trop stérilisé ;
  3. évitez les produits antibactériens, en particulier les solutions nettoyantes pour les mains qu’on trouve aujourd’hui partout, à moins bien sûr que votre profession ne vous y oblige (si vous êtes dentiste, chirurgien, infirmière, etc…) ou que vous soyez menacé par une épidémie ;
  4. laissez vos enfants jouer dehors et caressez les animaux ; faites du jardinage ; reprenez contact physiquement, aussi souvent que possible, avec la Nature !
  5. Mangez des aliments prébiotiques, riches en fibres, pour nourrir votre microbiote : légumineuses (haricots, pois chiches, lentilles, etc.), céréales complètes (riz, épeautre, avoine, etc.), oignons, poireaux et autres légumes racines, avocats, bananes, poires et autres fruits de saison ;
  6. Mangez des aliments contenant des bactéries probiotiques : yaourt, choucroute, cornichons et olives fermentées ;
  7. Diminuez votre consommation de fast-food, qui sont des aliments qui se préparent vite, mais qui aussi se digèrent mal. Beaucoup d’aliments modernes, riches en graisses saturées et en amidon, ne contiennent presque pas de fibres, et n’offrent donc plus rien d’intéressant à fermenter dans le gros intestin. Vos amies bactéries dépérissent.
  8. N’abusez pas des médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (Ibuprofène, aspirine, etc.) car ils augmentent la perméabilité.

 

Jean Marc Dupuis – Extrait de la Newsletter  «  Santé Nature Innovation » du 27/6/2013


 

‘Zwischen’ – Merveilleuses et délicates transitions

La naissance du bébé de Kate & William est imminente. La date du terme originellement (certes non-officiellement) annoncée était le 13 Juillet. Elle est dépassée d’une semaine. So what ?

Peut-être Kate n’a-t-elle pas dévoilé la “vraie” date du terme ? C’eût été son droit, histoire de se protéger et s’épargner une pression difficile à supporter en fin de grossesse, se donner quelques jours de répit alors que le monde entier serait aux aguets. Pourtant, on voit bien que c’est peine perdue. L’excitation est à son comble et les spéculations vont bon train. Les journalistes sont sur le qui-vive et les lecteurs de tabloids bouillent et trépignent : une véritable fièvre mondiale qui fait monter la chaleur estivale d’un cran. Même Camilla et la Reine Elizabeth ne cachent plus leur impatience.

L’attente dans nos sociétés occidentales du “tout-tout de suite”, n’est pas chose facile. Nous ne savons plus être en fluidité avec le temps, les rythmes de vie, pour accepter en lâchant prise ces jours et ces secondes qui passent, riches d’enseignements et propices à la maturation. Oui, ces espaces temporels que sont les transitions sont sans cesse tronqués, manipulés, accélérés.

Qui a dit que les transitions étaient faciles à vivre ? Moments suspendus, fragiles, où surgit l’inconfort et où nos vulnérabilités sont mises à jour. Où l’on semble parfois perdre pied, et cherchons des repères qui sont en réalité à trouver par nous-mêmes, à réinventer. Moments délicats, qui préfigurent les grandes transformations intérieures, dans lesquels s’immiscent le doute, l’envie de fuir et qui nécessitent une présence à soi et à l’instant la plus entière et la plus authentique qui soit, des espaces de silence pour écouter notre voix intérieure, une patience bienveillante, et parfois un accompagnement aimant pour traverser ces mues le plus respectueusement et le plus harmonieusement possible et pouvoir ainsi accueillir le nouveau et …naître, ou renaître.

On semble bel et bien avoir oublié qu’une naissance n’est pas un instant t, mais bien un processus, un passage, avec son avant et son après, avec toute sa gamme de transitions, de reculs et d’avancées, de transformations intérieures, pour lesquelles le temps est indispensable.

Non, la date du terme n’est pas une date de péremption.

Chaque bébé, chaque maman, chaque corps se met en mouvement à son rythme, lorsqu’il est prêt. Il s’agit de rythmes intérieurs, archaïques, qui dépassent notre simple contrôle humain, des rythmes inspirés par la sagesse de la vie. Chaque corps de mère a le même potentiel, la même capacité que celui des autres mammifères à se mettre en mouvement pour donner la vie lorsque le moment est venu.

Si seulement quelqu’un pouvait, comme le dit si bien Milli Hill –blogueuse, doula et fondatrice du Mouvement pour une Naissance Positive -, réconforter, encourager Kate et toutes les mamans en attente en leur murmurant un seul mot, ‘Zwischen’, que je vous laisse découvrir dans l’article suivant, publié dans le Best Daily du 18 juillet 2013.

Brigitte Rietzler – Temesira

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 Le mot qui aiderait la duchesse Kate qui a dépassé son terme.

Elle est lovée sur le canapé, dans l’attente, une boule de bébé et d’émotions. Un amas de livres sur la grossesse, l’accouchement, les prénoms de bébés, l’allaitement…plus un mot ne peut être absorbé…Il est temps de se dépêcher et d’attendre. Ce n’est pas un endroit confortable, mais pourtant pleinement nécessaire.

Les derniers jours de grossesse -qui s’étirent parfois sur des semaines agonisantes- sont un lieu, un temps, un événement, une phase à part. C’est un temps entre deux. Pas ici, pas là non plus. Votre vieux soi et votre nouveau soi sont en équilibre sur la brèche d’une grossesse. Un pied dans votre vieil univers, un pied dans votre nouvel univers.

Ne devrait-on pas inventer un mot pour cet état d’être, un mot qui décrive le temps et le lieu où les mères s’attardent, attendant d’être appelées vers l’avant ?

Je ne peux cesser de penser à Kate Middleton cette semaine. Quelqu’un comme moi qui a vécu deux “longues” grossesses sait ce que c’est que de dépasser le terme, et je ne peux qu’imaginer la pesanteur de la pression supplémentaire due au fait de porter un futur monarque.

Je me demande ce que je dirais à Kate, si je pouvais lui faire passer un message. Est-ce que je lui enverrais une sélection d’articles et des statistiques sur le déclenchement ? Lui suggérerais d’abandonner la clinique Lindo en faveur d’un lieu plus intime comme Berkshire? Ou bien je lui conseillerais vivement de chercher une sage-femme ou une doula pour apporter un peu d’expertise féminine à la situation? Non – à ce stade elle a déjà fait ses choix, et poser davantage de questions ne ferait qu’ajouter du poids à ses angoisses.

Mon message serait simple : un seul mot – Zwischen

Zwischen – un mot allemand qui signifie “entre”, utilisé par la sage-femme américaine Jana Studelska dans son magnifique message aux femmes enceintes appelé « The Last Days of Pregnancy: A Place of In-Between » (“Les derniers jours de la grossesse : un lieu entre deux”), duquel est extrait la citation qui ouvre cet article.

Il s’agit d’un écrit rassurant, pas seulement pour Kate, mais pour toute femme qui attend son bébé. En fait, à chaque fois qu’il est partagé sur les réseaux sociaux, on dirait qu’il parle aux femmes de telle sorte que cela leur apporte une énergie positive dont elles ont grand besoin à un moment de leur vie qui peut souvent être plutôt négatif.

Se sentant “rondes, gonflées et larmoyantes”, selon les mots de Studelska, les femmes qui attendent leurs bébés ne sont “ni ici, et pas encore là-bas” – le temps de préparation est fini, mais la phase suivante, celle de la naissance et du maternage paraît ne jamais arriver.

Celles qui deviennent maman pour la première fois en particulier flottent anxieusement sur le seuil entre un univers et le suivant, et le temps d’attente peut paraître inquiétant et accablant.

J’aurais aimé avoir lu les mots empreints de sagesse de Studelska au moment où j’attendais anxieusement mon premier bébé :

‘J’invoque les Zwischen prénataux comme une opportunité d’offrir du réconfort et également de la protection. Je vois bien comme il est facile d’exploiter et d’abuser de ce temps. Un déclenchement programmé est séduisant, avec ses promesses de contrôle. Des familles inquiètes et confuses peuvent se trouver brutalement face à une crise de confiance. Nous ne sommes pas dans une culture qui attend les choses, et nous ne croyons pas en la naissance normale; attendre un bébé peut sembler une véritable absurdité. Nommer ce moment invite la femme à se tourner vers son intériorité, à écouter et développer sa propre intuition. Ce qui s’avère être aussi un puissant terrain d’entrainement pour le maternage.’

Studelska, à propos du Zwischen, dit également : “C’est un temps entre deux, où l’ouverture commence. Nommer ce temps lui donne sa dimension, une expérience plus proche de l’émerveillement que de l’endurance.”

Pour ma part, ma première attente de l’accouchement a été un temps d’endurance ponctué de très peu d’émerveillement, et c’est seulement maintenant, rétrospectivement, que je me rends compte à quel point les jours de cette dernière ligne droite étaient incroyables. La vie était sur le point de changer au point de ne pas la reconnaître. La naissance et la maternité allaient me réinventer – d’un jour à l’autre.

Et maintenant, lorsque dans un rire complice, je croise le regard de ma fille de 5 ans, je suis souvent ébahie d’avoir porté une personne aussi incroyable dans mon corps, et m’émerveille de l’immense privilège qu’il m’a été donné de vivre.

Ce moment de Zwischen aurait dû être chargé d’émerveillement, mais au lieu de cela, comme beaucoup de femmes, je me suis sentie victime de l’énorme pression de voir chaque jour qui passe comme un “échec” alors que l’accouchement ne se mettait pas en route.

Cette pression est déjà présente pour Kate, avec des spéculations grandissantes sur un possible déclenchement, et certains commentateurs qui n’hésitent pas à aller jusqu’au point d’envisager qu’une césarienne soit inévitable. Et il se peut qu’ils aient raison –car si nous insistons pour considérer les derniers jours de grossesse comme un dysfonctionnement, alors nous troquons tout espoir d’émerveillement contre la recherche du contrôle – et  l’augmentation de la probabilité d’une césarienne – sur laquelle une intervention médicale peut déboucher.

Alors, pour Kate, et pour toutes les femmes en attente, et également pour leurs docteurs et leurs obstétriciens, je dis : restons dans l’émerveillement. Ne nous soucions pas des angoisses de dates du terme ou de statistiques discutables, et si nous sentons que nous avons besoin de “faire quelque chose”, asseyons-nous sur nos mains un peu plus longtemps.

Chaque personne impatiente d’avoir des nouvelles de l’arrivée du bébé royal n’a besoin que d’un mot – pour nous exhorter à embrasser le mystère de se trouver à un point critique, à avoir confiance que tout se passe comme cela devrait se passer, et à donner à Kate et à toutes les femmes-dans-l’attente le soutien et la patience qu’elles méritent.

Seulement un mot, chuchoté avec confiance, pour laisser le bébé ET la maman naître lorsqu’ils seront prêts : Zwischen.

© Milli Hill

 Milli Hill est auteure freelance et  fondatrice du  Positive Birth Movement , Mouvement pour une Naissance Positive.

Article du Best Daily du 18 Juillet 2013, traduit par Brigitte Rietzler – Temesira

Photo © TopStar Pictures

Le soin rebozo : un soin ancestral venu du Mexique

Reprenant le nom d’un châle au tissage assez robuste pour supporter le poids du corps, le soin rebozo est une technique de relaxation, de recentrage, voire de «passage», destiné aux femmes et dispensé par des femmes. Après un accouchement, au moment de la ménopause ou encore suite à une séparation amoureuse, le soin rebozo aide à se réconcilier avec son corps, à se recentrer et à regrouper ses énergies, pour par exemple passer une étape sensible tout en douceur. Explications sur ce soin venu d’ailleurs.

Le rebozo, kesako?

L’écharpe rebozo trouve ses origines au Mexique, où elle constitue un accessoire quasi quotidien des femmes. Portage des bébés, hamac, baluchon, châle vestimentaire, son utilité est multiple et sa robustesse lui confère praticité et durabilité.

Instrument essentiel des sage-femmes traditionnelles, l’écharpe est utilisée au moment de l’accouchement, pour bercer et balancer la femme, soulageant ainsi ses douleurs, et l’apaisant de façon à ce qu’elle soit plus sereine pour affronter ce moment-clé de sa vie.
L’écharpe sert aussi à faire des mouvements d’enserrage et de manipulation non-intrusive, pour déplacer un bébé mal positionné par exemple; on appelle alors cette technique la “sobeada” (du verbe espagnol ‘sobar’, pétrir).

Aujourd’hui le rebozo est un symbole de fierté des femmes mexicaines, quelles que soient leurs origines sociales. Dès la puberté, chaque femme acquiert son propre rebozo, qui matérialise sa féminité.

Si cette écharpe se prête à de multiples usages, elle donne aussi son nom à un soin particulier : le soin rebozo.

Le soin rebozo

Le soin rebozo est pratiqué par des femmes pour les femmes. Il s’adresse aux mères et futures mères, mais aussi à toutes celles qui traversent une étape, une épreuve ou un changement dans leur vie de femme. Bien entendu, celles qui souhaitent simplement s’offrir une pause, se recentrer et se relaxer, peuvent également recourir à ce soin.

Traditionnellement au Mexique, la femme est invitée pendant les quarante jours qui suivent l’accouchement à rester allongée avec son bébé pour reposer leur corps et encourager le lien mère-enfant. Pendant cette période, les femmes de sa communauté vont prendre soin d’elle et du bébé en apportant des repas, en massant la maman, et en prenant en charge ses travaux quotidiens.
Après ces 40 jours, qui marquent la sortie de la phase fusionnelle de la mère avec son bébé, et son retour à sa vie de femme, d’amante et d’épouse, la jeune maman reçoit le soin rebozo, qui va marquer le retour aux travaux quotidiens et à la vie sociale. Là encore ce sont les femmes qui vont soutenir cette femme devenue mère.
L’objectif majeur de ce soin traditionnel mexicain est, pour chacune, de retrouver l’unité de son schéma corporel, de se réapproprier son corps de femme et de retrouver sa vitalité.

 

Les 3 étapes du soin rebozo

Tout d’abord la femme reçoit un massage à quatre mains et aux huiles essentielles. D’une durée d’environ quarante-cinq minutes, il s’agit d’un massage holistique, qui a pour objectif de détendre son corps et ses muscles, et de lui faire prendre conscience de chaque parcelle de sa peau.
Une fois massée et détendue, la femme est placée dans un bain de chaleur (traditionnellement une hutte à sudation ; aujourd’hui plutôt un bain de vapeur ou un hammam). Ouverture des pores et sudation : c’est le moment pour le corps de retrouver son lien à la Terre, à la Nature, à l’essentiel; c’est l’instant du retour à soi-même dans un cocon de chaleur humide.
Enfin, les practiciennes passent l’écharpe rebozo autour du corps de la femme, et resserrent progressivement sept parties du corps, opérant ainsi le rapatriement des énergies et le recentrage physique et mental de la femme.
L’atmosphère du soin est calme, détendue, et la femme est cajolée, écoutée, accueillie. Les practiciennes sont à l’écoute. Après le soin, la femme peut ouvertement revenir sur son expérience et le vécu qu’elle a souhaité traiter.
Une boisson chaude à base de plantes est offerte tout au long du soin, pour favoriser l’élimination, la détoxination et l’épuration.

 

Quand faire appel au soin rebozo?

Après un accouchement, la femme qui a “ouvert” son corps pour donner naissance à l’enfant, peut ressentir le besoin de se recentrer, et éprouver des difficultés à reconquérir son espace personnel et à le refermer. Elle sent son énergie dispersée, et peut sentir une fatigue intense, et une sensation de perte de contrôle. Le soin rebozo va favoriser un moment de recentrage, et de reprise de possession de son corps. Il pourra aussi opérer la transition entre la mère et la femme, renouant avec sa vie personnelle et sa vie sexuelle.

Au moment de la ménopause, le soin rebozo pourra permettre à la femme, perturbée par cette étape souvent perçue comme la fin de sa féminité et l’adieu à la fertilité, de se réconcilier avec son corps, de se recentrer sur la vie en mouvement en elle, d’accepter cette nouvelle peau, de mieux ressentir et vivre ce passage, et de l’assimiler comme une nouvelle étape dans sa vie de femme.
En cas de divorce, de perte d’emploi, ou tout autre changement important, la femme peut se sentir sans ressource, éparpillée. Le soin rebozo va lui permettre de prendre du temps pour elle, de prendre soin d’elle, de se retrouver, de se recentrer, de rassembler son énergie, de mieux faire face à la situation.
… Mais aussi à tous moment de célébration! Une bonne idée cadeau pour un enterrement de vie de jeune fille par exemple, à retenir!
Moment “à soi”, donc, et d’accès privilégié à son corps et à son être intérieur, le soin rebozo est préconisé à tout moment, que cela soit à une étape-clé de sa vie, ou tout simplement pour privilégier un rendez-vous… avec soi!

Julie L. pour NovaFemina